« RENÉ ICHÉ (1897-1954) : L’ART EN LUTTE », À « LA PISCINE », À ROUBAIX, JUSQU’AU 03 SEPTEMBRE
Plus qu’une dizaine de jours pour découvrir, jusqu’au dimanche 03 septembre, une intéressante exposition temporaire – « René Iché (1897-1954) : L’Art en Lutte » -, à « La Piscine », le « Musée d’Art et d’Architecture André Diligent ».
Artiste français, lauréat, en 1914, du « Premier Prix de Dessin » de l’ « École des Beaux-Arts », à Montpellier, originaire de Sallèles-d’Aude, en Occitanie, peu connu dans nos contrées, René Iché est une figure de l’artiste engagé, considéré comme l’un des plus remarquables représentants de la sculpture moderne française, puis, après-guerre, du mouvement de la « Figuration européenne ».

« Etude de Lutteurs à Terre » ou « Etude pour Jacob et l’Ange » (R. Iché/vers 1945) © « Adagp » © Ph. : X. Grandsart
Ses recherches esthétiques et techniques ont été menées de front avec une réflexion plus générale sur la place de l’artiste dans la société et dans l’histoire. Il a développé une production érudite, à plusieurs niveaux de lecture, interrogeant ses expériences intimes pour concevoir un œuvre contemporain de portée universelle. Le motif de la lutte – comprise comme corps-à-corps charnel ou comme combat, résistance, défense d’une cause – est au cœur de son œuvre et constitue le fil directeur de l’exposition, organisée en trois grandes sections : intime, littérature et poésie.
Proche de Guillaume Apollinaire (1880-1918), décédé des suites d’une blessure à la tempe, par un éclat d’obus, en 2016, alors qu’il venait d’acquérir la nationalité française, et de Max Jacob (né Max Jacob Alexandre/1876-1944), décédé en déportation, à Drancy, René Iché conçut, à Montparnasse, ses premières ébauches d’ « Homme succombant » ou de « Lutteurs ».
Vétéran de la Grande Guerre, il avait suivi une formation d’officier, en 1917, à l’ « École spéciale militaire de Saint-Cyr ». Gazé, très sérieusement, en 1918, il fut décoré de la médaille militaire et de la croix de guerre, avant de recevoir la « Légion d’Honneur ».

« L’Inconnue de la Seine » (René Iché) © « ADAGP »-Paris © Photo : Xavier Grandsart
Les liens de René Iché avec les avant-gardes littéraires parisiennes se nouent dès la Première Guerre mondiale. Son intrigante « Inconnue de la Seine », un masque en plâtre qu’il réalisa en 1929, (ré)interprète en ce sens la culture littéraire et artistique du XXè siècle.

Masques mortuaires (René Iché) © « ADAGP »-Paris
Sa noyée a le visage, latent et impassible, d’un songe qui entête et fascine les poètes, au point que ses traits se transposent délicatement aux masques d’André Breton (1896-1966) et de Paul Éluard (1895-1952), réalisés la même année.

Troix bustes (René Iché) © « ADAGP »-Paris © Photo : « La Voix du Nord »
Dans les années ’30 et ’40, René Iché livre des portraits et des statues, qui sont autant des figures psychologiques que des manifestes. Après la Libération, il inscrit ses « Otages de Puiseaux » ou « Lutteurs de Carcassonne » dans un espace ouvert où la sculpture monumentale s’allie à l’architecture.

Sculptures (René Iché) © « ADAGP »-Paris © Photo : « La Voix du Nord »
Alors qu’il avait rejoint la Résistance, au sein du« Réseau du Musée de l’Homme », l’un des premiers mouvements de la Résistance française à l’occupation allemande, durant la Seconde Guerre mondiale, René Iché reprit ses lutteurs, les déclinant de manière quasi obsessionnelle.

« Lutteurs aux Jambes coupées » (René Iché) © « ADAGP »-Paris © Photo : « La Voix du Nord »
La lutte, de René Iché, expérimenta le déchirement de l’être dans la guerre et dans la douleur, à l’image d’une Guernica – si bien peinte par Pablo Picasso (1881-1973) -, décharnée, entre la vie et la mort, puis d’une France déchirée par la Seconde Guerre mondiale, l’occupation allemande et le régime de Vichy. L’œuvre de ce
sculpteur interroge, plus globalement, la place de l’artiste face à ses engagements, dans une Europe hantée par
les atrocités de la guerre.

Au centre, sa fille © « ADAGP »-Paris © Photo : « La Voix du Nord »
Dès 1936, il sculpta des œuvres manifestes et politiques, à l’instar de « Melpomène 36« , qu’il érige en déesse de la tragédie hébétée et démunie face à la gangrène fasciste, cette œuvre dénonçant le pacte de non-intervention en Espagne.
En juin 1940, il dissimula des armes dans les socles de ses sculptures, et son atelier du 55, rue du Cherche-Midi devint rapidement un lieu de réunion pour les résistants du futur « Réseau du Musée de l’Homme ».

« Femme assise » (René Iché) © « ADAGP »-Paris
Artiste discret et engagé, René Iché – qui décéda, alors qu’il venait d’être désigné pour concevoir le « Monument aux Martyrs d’Auschwitz » – est présent dans les collections permanentes de « La Piscine », grâce à deux achats, un don de la « Société des Amis du Musée » et un dépôt du « Centre national des Arts plastiques », ses œuvres traduisant son talent de portraitiste, tout comme son engagement politique exemplaire.

Photo de René Iché devant l’une de ses sculptures © « ADAGP »-Paris © Photo : « La Voix du Nord »
Parmi les sculptures exposées, nous trouvons une statuette allégorique à la forte charge mémorielle, symbole de la Résistance, offert à Charles De Gaulle (1890-1970), pour son bureau londonien : « Déchirée », image d’une France faible et aveuglée, dénonciation de l’Occupation allemande et de la Collaboration de l’Etat français.

« La Déchirée » (détail/René Iché) © « Adagp »-Paris
Le 04 juin 2007, elle fut trouvée dans un sac, au fond d’un placard, par des policiers perquisitionnant chez un suspect. Les enquêteurs ne se doutent pas, alors, de la valeur de ce bronze, haut de 48 cm, jusqu’à ce qu’un expert, Marc Sokolovitch, tombe à la renverse dans les bureaux de l’hôtel de police de Cergy, déclarant : « Tout le monde avait des frissons. C’est une partie de l’histoire de France que vous touchez du bout des doigts. Cette pièce a été fondue après l’Appel du 18 juin, transportée clandestinement en Angleterre, a assisté à des réunions secrètes d’un réseau de résistants. Pour de Gaulle, elle incarnait la Résistance. Quand on m’a demandé de l’évaluer, j’en étais bien incapable. C’est inestimable. »

Sculptures (René Iché) © « Adagp »-Paris © Photo : « La Voix du Nord »
Autour de ces œuvres, cette exposition monographique d’envergure réunit – grâce à des prêts issus de la collection familiale, de collections privées et publiques – plus d’une centaine d’œuvres bien souvent inédites.

René Iché (1897-1954)
René Iché s’imposa comme un remarquable passeur de mémoire, que ce soit dans ses sculptures, son œuvre de médailliste, aux sujets bien choisis, ou dans ses nombreux projets de monuments publics et commémoratifs.

René Iché (1897-1954)
Présentée à la presse, le vendredi 23 juin, par sa co-commissaire Rose-Hélène Iché, petite-fille de l’artiste, directrice éditoriale de la revue « Surréalismus », cette exposition est coproduite avec le « Musée Toulouse Lautrec » , à Albi, qui la présentera du samedi 30 mars jusqu’au dimanche 30 juin 2024, et avec le « Musée des Beaux-Arts », à Quimper, qui présentera « Fragments surréalistes. René Iché et les Poètes » du jeudi 23 novembre 2023 jusqu’au lundi 19 février 2024.

© « La Piscine – Musée d’Art et d’Architecture André Diligent »
- Autres expositions temporaires, proposées aux mêmes dates :
*** « Guernica. L’Histoire immédiate » :

« Guernica » (René Iché ) © « ADAGP »-Paris © Photo : Xavier Grandsart
Cette exposition-dossier éveille un dialogue autour de représentations aussi douloureuses qu’effroyables de cet événement, nous incitant à porter un regard critique sur le monde. Aussi cet espace de présentation rassemble-t-il, en plus de la sculpture de René Iché, deux œuvres de Pablo Picasso (1881-1973), un original, « La Femme qui pleure » et une photographie de « Guernica », ainsi que différentes oeuvres de Jean Amblard (1911-1989), Jean Deville (1901-1972), Jean Lasne (1911-1940) & Edouard Goerg (1893-1969), autant de représentations qui, comme l’écrit l’historien de l’art espagnol Manuel Borja-Villel (°Burriana/1957), “traversent le temps, [et survivent] comme des fantômes aux époques qui les ont vues naître” .
*** « JonOne. Le Tentation du Décor » :

Oeuvre sur un volet mécanique © JonOne
Acteur de l’art contemporain, le graffeur américain Jone One (né John Andrew Perello/New York/1963), résidant à Roubaix, à proximité de « La Piscine », nous propose ses oeuvres en deux lieux, la salle annexe au restaurant, ainsi que les anciennes cabines de bain. En outre, notons que son investissement à Roubaix s’est particulièrement illustré, durant l’été 2022, par sa création graphique, sur un volet métallique de grande dimension, faisant face à l’une des façades du musée.

JonOne (né John Andrew Perello/New York/1963)
Roubaix entretenant, depuis plusieurs années, une relation particulière au « street art », cette exposition de Jone One s’inscrit dans le cadre de la deuxième édition du « Festival URBX », organisée du mardi 13 jusq’au dimanche 25 juin 2023, à Roubaix et dans la métropole lilloise.

© « La Piscine – Musée d’Art et d’Architecture André Diligent »
*** « Merci les Amis ! » :
Depuis 32 ans et l’ouverture de la préfiguration de l’actuel musée, au sein de l’Hôtel de Ville de Roubaix, la « Société des Amis » participe activement à l’enrichissement des collections du musée, plus particulièrement pour les acquisitions de céramique contemporaine, permettant ainsi à « La Piscine » d’être reconnue internationalement dans ce domaine.
Des céramiques récemment acquises, étonnantes, fortes, délicates, dérangeantes, séduisantes, d’artistes contemporains nous sont ainsi proposées, en divers endroits du bassin, au coeur du musée.

© « La Piscine – Musée d’Art et d’Architecture André Diligent »
Ouverture : jusqu’au dimanche 03 septembre, de mardi à jeudi, de 11h à 18h, le vendredi, de 11h à 20h, le samedi & le dimanche de 13h à 18h. Prix d’entrée (incluant les collections permanentes) : 11€ (9€, pour les étudiants et les membres d’un groupe de minimum 10 personnes / 0€, pour les moins de 18 ans, les demandeurs d’emploi, ainsi que chaque personne porteuse d’un handicap & son accompagnateur, de même que, pour tous, le vendredi, de 18h à 20h). Catalogue (sous la direction de Fanny Girard, Rose-Hélène Iché, Alice Massé & Florence Rionnet/Ed. « Snoeck »/ 2023 /192 p./24,5 x 28 cm) : 29€. Contacts : lapiscine.musee@ville-roubaix.fr, 00.33.33.3/20.69.23.60 & 00.33.33.3/20.69.23.61, Site web : https://www.roubaix-lapiscine.com/.
A souligner que chaque samedi, à 16h, « La Piscine » nous propose une visite guidée de l’exposition temporaire.
Parmi les prochaines expositions temporaires, notons « Le Cri de la Liberté. Chagall Politique », du samedi 07 octobre 2023 jusqu’au dimanche 07 janvier 2024.
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